L’éducation des catholiques échouant entièrement à l’Église dans le cadre constitutionnel de 1867, il allait de soi que le clergé prenne en charge la jeunesse rurale, ce qu’il fit en investissant les écoles d’agriculture. L’engagement de l’Église allait donner l’embryon d’un écosystème éducatif et technique dans le l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la Pocatière, qui jouera un rôle clé dans le développement du secteur agricole. Elle deviendra le principal point d’appui de la Faculté d’agriculture de l’Université Laval.
Publiée en 1891, l’encyclique Rerum novarum invite les autorités religieuses à prendre part au développement économique et social. Y prenant appui et s’inspirant des associations catholiques belges les Boerenbond, les membres du clergé inscrivent le mouvement coopératif dans la recherche d’une troisième voie : entre le capitalisme et le socialisme d’État.
L’approche qu’adopte le clergé est certes conservatrice et moralisatrice comme en témoigne la devise du collège avicole Saint-Thomas-d’Aquin : « après la religion l’agriculture ». Mais tiraillée entre la volonté de faire primer l’enseignement des valeurs chrétiennes et la nécessité de bâtir des organisations rentables, la coopération agricole aura été un des univers où l’esprit modernisateur de membres de l’Église s’est manifesté avec le plus de vigueur.
Par exemple, le Comptoir coopératif (fondé par les jésuites quelques années avant d’intégrer la Coopérative fédérée) devait selon l’article 2 des statuts généraux du Comptoir, « travailler au progrès religieux, intellectuel, social et économique de ses membres en prenant à cœur leurs intérêts matériels ». En témoigne aussi la contribution de l’abbé Jean-Baptiste-Arthur Allaire. Des cours de coopération sont dispensés au collège Saint-Thomas-d’Aquin qu’il dirige – il affirmera que « c’est dans ce collège qu’est née la coopération ». Devenu un des pères fondateurs du bulletin hebdomadaire Le Coopérateur agricole, le ministère de l’Agriculture le mandate en 1915 pour développer le mouvement. Dix années après l’adoption de la Loi sur les coopératives agricoles en 1908, le Québec compte 270 coopératives dont la plupart ont profité du soutien actif du clergé.