La production des outils sera de plus en plus éloignée de l’activité villageoise, les usines poussant la plupart du temps à l’extérieur du Québec. La modernisation signifiera le recours toujours croissant aux industries d’amont pour les intrants des fermes aussi bien que l’abandon de la traction animale et la réduction des besoins de main-d’œuvre familiale.
L’acquisition du tracteur est le symbole le plus évocateur de cette transformation. Au début de la Seconde Guerre mondiale, une ferme sur vingt en est équipée. Trente ans plus tard (en 1971), il est omniprésent et on en retrouve sur neuf fermes sur dix. Ces changements vont provoquer la réorganisation des chaînes d’approvisionnement. Le mouvement coopératif s’engagera très tôt dans des initiatives pour assurer aux fermiers une place et un rôle dans la reconfiguration des circuits d’approvisionnement en intrants. Dès 1913 le Comptoir coopératif de Montréal ouvre cette voie, quelques années avant qu’il fusionne avec deux autres coopératives pour former la Coopérative fédérée. Engrais, semences, outils et équipements sont offerts aux membres de la coopérative. Ce segment, en amont des fermes, restera un cœur d’activité important pour la Fédérée dans les décennies à venir.
La modernisation ne se fera pas sans conséquence sur les inégalités sociales qui s’observent dans le milieu agricole. Les fermiers les plus pauvres, souvent dans les colonies et concessions, n’auront pas les moyens de se payer ces outils devenus indispensables. Dans les années 1940 au Lac-Saint-Jean, une poignée de fermes effectuait encore le battage des céréales au fléau, labourait le sol à l’aide de la charrue et la herse de bois, ou ensemençait à la volée. Ils n’auront d’autres choix que de quitter l’agriculture, souvent après avoir tenté ou refusé de s’endetter pour prendre le « virage technologique ».
De nos jours, l’agriculteur est appelé à devoir conjuguer la réalité du vivant à une forte capitalisation ou encore la chimie des sols à la mécanique des moteurs. Il doit en somme gérer une entreprise d’une complexité peu commune, et ce, dans un contexte de concurrence internationale féroce pour l’accès aux marchés